« La réalité n’était plus la même pour peu qu’on l’examinât depuis la cage d’un ascenseur. La verticalité est devenue toute-puissante. Elle incarne la norme urbaine exclusive. L’ascenseur, instigateur de cet ordre, tenait lieu de pensée unique, de colonne vertébrale, de coeur battant, de poumon d’acier. Aucun objet n’avait changé l’organisation du monde comme il l’avait fait. Plus que tout autre, il se trouvait au centre du système, l’animait, lui donnait vie. Wagner-Leblon avait raison. On construit d’abord l’ascenseur, ensuite on l’habille avec un immeuble pour camoufler la machinerie, et puis on installe des gens qui, le soir, allument les lumières à l’intérieur, pour rendre tout cela un tant soit peu vivant. Dans cet agrégat urbain, au tréfonds de tout, ce sont les ascenseurs qui habitent nos villes, dirigent la manoeuvre, leurs câbles qui tirent les ficelles.
Nous sommes tous, à des degrés divers, leurs obligés. Nous dépendons d’eux chaque jour et pour chaque chose. Nous croyons les commander, alors qu’ils nous ont depuis longtemps asservis.
Je n’ai bien sûr jamais pensé que quelqu’un avant sciemment et méthodiquement organisé la subtile mécanique de ce système. Il s’est mis en place de lui-même, a généré sa propre logique, son développement spécifique. L’ascenseur n’entre pas dans la catégorie des objets de confort. Il est bien plus que cela.Il est le miracle mécanique qui a un jour permis aux villes de se redresser sur leurs pattes arrière et de se tenir debout. Il a inventé la verticalité, les grandes orgues architecturales mais aussi toutes les maladies dégénératives qu’elles ont engendrées. » Extrait de Le Cas Sneijder de Jean-Paul Dubois.
J’ai découvert Jean-Paul Dubois avec Une Vie Française ; depuis il est dans mon top 10 de mes auteurs contemporains favoris. Il a une capacité incroyable a créer des histoires fascinantes autour de destins d’hommes ordinaires, ballottés par l’existence, avec qui l’on partage un bout de route et que l’on n’oublie pas ensuite.
Dans le Cas Sneijder, Jean-Paul Dubois nous embarque, avec sa manière si subtile, au plus près de la solitude intérieure d’un homme ayant toutes les peines du monde surmonter un drame. Il est l’unique survivant d’un accident d’ascenseur. Sa fille, elle, a perdu la vie. Depuis ce jour, sa perception de la réalité s’est affiné, comme si quelqu’un avait monté le son du vacarme du monde. Comment continuer à vivre, avec une épouse tyrannique et des jumeaux avec qui il n’a jamais voulu réussi à créer du lien ? En changeant de métier et en passant de négociant en vin à promeneur de chiens.
Malgré moi et avec Paul, le personnage principal, j’ai fait une chute vertigineuse dans le monde fascinant des ascenseurs, j’ai compris leur place omnisciente dans nos vies. Le passage qui débute cet article est mon préféré. Il nous force à réfléchir à comment un objet si usuel a permis la profonde transformation de notre société.
Le hasard m’a fait débuter ce livre il y a quelques semaines, je prenais tellement de plaisir à sa lecture que je l’ai consommé avec autant de modération que de délectation. Une belle façon de finir l’année pour moi. Autant je ne prends JAMAIS de résolution, autant pour 2017 j’en ai déjà une liste longue comme le bras ! Et lire plus en fait partie !
17 (Dis, cette) année, si on s’aimait encore plus fort ? Bon réveillon de la Saint-Sylvestre !
#LOVEsurVOUS
j’habite dans une maison de plein pied, et j’ai toujours une petite crainte en montant dans un ascenseur qui cependant peu nous mener très loin! bien envie de lire ce livre si bien présenté! bonne soirée
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Merci Suzanne ! Le voyage que nous propose Jean-Paul Dubois est d’abord celui d’un homme, blessé. On s’attache, on s’identifie, on vit son introspection et son obsession. Tu ne regretteras pas : c’est simple et passionnant ! Très bon réveillon et merci d’être passée par ici ! 😀
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